Bruxelles, 21 oct. (LaPresse) – « Commettre un attentat contre un journaliste dans les années 1980, 1990 ou au début des années 2000 — un attentat non mortel, mais tout de même un attentat — signifiait le renforcer, car cela lui donnait une visibilité, une importance, une attention accrues. Au cours des cinquante dernières années, tuer un journaliste a toujours été une opération très délicate, car cela poussait les procureurs et la magistrature à enquêter sur ce qu’il avait écrit.
En Italie, par exemple, lorsque la Camorra a tué Giancarlo Siani à la fin des années 1970, elle a eu besoin de le délégitimer immédiatement, car elle ne voulait pas que l’attention se porte sur son travail journalistique.
Ainsi, aujourd’hui, lorsqu’un attentat est commis contre Sigfrido Ranucci, ceux qui l’ont perpétré ne se rendent pas compte qu’ils l’ont en réalité renforcé — qu’il sera désormais invité partout, et qu’on ne pourra plus supprimer son émission. Vous savez pourquoi ils ne se sont pas posé cette question ? Parce qu’aujourd’hui, ce raisonnement n’est plus vraiment valable. On peut être attaqué, recevoir la solidarité de tous, mais un mois plus tard être à nouveau traduit en justice, faire l’objet de dossiers personnels, et être écarté professionnellement si l’on dérange les gouvernements ou les pouvoirs. »
C’est ce qu’a déclaré Roberto Saviano lors d’un séminaire de presse au Parlement européen de Strasbourg consacré au Prix Daphne Caruana Galizia.
« Les organisations ou ceux qui t’attaquent savent que l’attention médiatique est instantanée — la solidarité arrive immédiatement — mais les procès durent vingt ans. Avec le temps, il ne reste que toi et les menaces, toi, le journaliste isolé, et les difficultés économiques dans lesquelles tu te retrouves », a-t-il ajouté.
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