La Mission internationale d’établissement des faits sur la Libye a présenté ce lundi à Genève son rapport, affirmant que les détentions arbitraires et disparitions forcées ont été « largement répandues » et s’accompagnent régulièrement d’abus comme de la torture.

Des civils ont été arrêtés seulement pour être suspectés d’être proches avec l’une des parties au conflit libyen et sont détenus sans que personne ne sache où ils se trouvent pendant de longues périodes, selon le document. Certains d’entre eux n’ont pas été relâchés.

Les trois membres de la mission avaient déjà conclu en octobre dernier que les violences dans les prisons et contre les migrants constituent de possibles crimes contre l’humanité. Depuis, ils ont élargi leurs investigations à une vingtaine de centres de détention au total. Après s’être rendus à Tripoli et Benghazi, ils souhaitent pouvoir aller d’ici juin dans le sud du pays.

Ils ont identifié de nouveaux meurtres, cas de torture, viols ou encore persécutions de migrants par des acteurs étatiques, des milices ou des trafiquants. « Nous avons davantage de preuves », affirme le président de la mission, Mohamed Auajjar.

Les violences sexuelles contre des migrantes sont « endémiques », notamment à Bani Walid près de Misrata, un centre pour les trafiquants, a dit à la presse l’un des autres enquêteurs, Chaloka Beyani. Depuis octobre, des milliers de personnes ont été interceptées en mer et ramenées en Libye où elles font face à ces « conditions inhumaines », selon les trois enquêteurs.

Ils ont également poursuivi leur évaluation de la situation à Tarhouna, ville exposée à de nombreuses violences de 2016 à 2020, où plusieurs fosses communes avaient été identifiées. La mission a désormais des preuves de crimes de guerre perpétrés contre deux individus au moins tués sur ce site.

Elle continue de suivre la situation des mercenaires russes, tchadiens, soudanais ou syriens. Malgré un accord sur le retrait de ces soldats, ils restent dans le pays.

La Libye fait face à une crise politique importante, des élections générales ayant été reportées en raison de divisions dans le pays. Selon les enquêteurs, plusieurs incidents pendant la campagne laissent entendre que les parties violent les libertés fondamentales, notamment après l’arrestation d’un certain nombre d’individus ou des assauts contre les institutions judiciaires.

Le rapport dénonce aussi l’impunité pour les attaques contre les responsables politiques féminines, notamment celle liée à la disparition d’une parlementaire toujours pas résolue. Et de cibler la suspension d’un accord sur la participation des femmes avec l’ONU et des lois qui restreignent la société civile.

Deux autorités concurrentes revendiquent le pouvoir et, récemment, des indications d’une mobilisation de groupes armés autour de la capitale avaient inquiété l’ONU. L’ancien ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha a été approuvé par le Parlement siégeant à l’Est mais le gouvernement dirigé par Abdelhamid Dbeibah refuse de céder.

Cette situation constitue « un facteur aggravant » sur les violations de la participation politique et des libertés fondamentales observées dans le cadre préélectoral, fait remarquer une membre de la Mission, Tracy Robinson. Celles-ci auront un impact sur l’apaisement politique du pays. De même que la culture d’impunité, estime Aoujjar.

Parmi ses recommandations, la Mission demande aux autorités des investigations sur tous les cas de disparitions forcées. Elle souhaite encore l’établissement d’un mécanisme national de prévention indépendant pour des visites des centres de détention dans le pays.

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