Ce pays de 12 millions d’habitants est en proie à une grave crise politique depuis que le président Kais Saied s’est octroyé il y a un an l’ensemble des pouvoirs et le dirige par décrets, arguant d’une situation ingérable. « Un coup d’Etat », selon ses opposants, « une concentration excessive du pouvoir », selon les défenseurs des droits.
L’opposition à Kais Saied, élu à une large majorité en 2019, principalement le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, a appelé au boycott du scrutin, invoquant un « processus illégal » et une absence de concertation. L’influente centrale syndicale UGTT n’a pas donné de consignes de vote.
Drôle de campagne: peu de meetings et publicités électorales à part des banderoles « pour une nouvelle République », 144 intervenants pour, sept contre qui se partagent quelques plateaux télés.
« La grande inconnue sera le taux de participation, à savoir s’il sera faible ou très faible. Car beaucoup de gens ne savent pas sur quoi ils vont voter, ni pourquoi », explique à l’AFP le chercheur Youssef Cherif, convaincu comme une majorité d’observateurs que le oui l’emportera.
« Très peu de gens s’intéressent à la politique aujourd’hui en Tunisie », ajoute M. Cherif.
Près de 9,3 millions d’électeurs sont inscrits. Mais rien ne garantit qu’ils se déplaceront en nombre lundi, jour férié prolongeant un weekend, même si les bureaux de vote seront ouverts de 06H00 (05H00 GMT) à 22H00 (21H00 GMT). Ceux qui voteront oui le feront « parce qu’ils apprécient le président ou haïssent ceux qui ont gouverné la Tunisie depuis (la Révolution de) 2011 — Ennahdha et ses alliés — mais on parle de quelques centaines de milliers de gens », selon M. Cherif.
« Contrairement à la Constitution de 2014, il n’y a eu ni débat contradictoire ni délibération publique sur le projet », dénonce le politologue Hamadi Redissi, critiquant une élaboration « hâtive, en quelques semaines ».
La dernière version, écrite par Kais Saied en personne, est « à des années-lumière du projet laïc et démocratique » proposé par la commission qu’il avait chargée de sa préparation, selon M. Redissi. Le juriste à sa tête, Sadok Belaïd, s’est dissocié du texte final, susceptible d' »ouvrir la voie à un régime dictatorial », selon lui.
Opposants et experts s’inquiètent du retour prévu à un régime ultra-présidentiel, en rupture avec le système parlementaire instauré après la chute du dictateur Ben Ali en 2011, qui faisait du pays la seule démocratie issue du Printemps arabe.
Pour M. Redissi, « il y a une dérive autoritaire: tous les pouvoirs seront entre les mains du président, qui nomme le gouvernement. L’exécutif n’aura pas besoin de la confiance du Parlement ». Le chef de l’Etat ne sera redevable à personne, impossible à chasser.